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Il se réveille au milieu de la nuit, gêné par une odeur
fétide (il s’était endormi le nez sur l’aisselle de l’aimée). Rêve : La nuit, à la fac, j’assistais — je
participais — à un match de football féminin. Les spectatrices, peu nombreuses,
évoluaient autour du terrain en circulant dans une sorte de conduit d’où ne sortait
que leur tête. Cela paraissait peu pratique. L’action est confuse, lente. A la
mi-temps, je déniche, près des vestiaires, la discothèque de l’amicale : les tas
de disques noirs. Par jeu (?) je cherche un disque de Suzi Quatro. Je trouve,
surtout, plusieurs Several Heads dont je me dis qu’EC sera content de les
écouter.
A la Poste, cet homme étrange — certains
diraient : dérangé — qui use de périphrases et de circonlocutions baroques pour
demander une chose simple : le solde de son CCP. Il prévient que ce sera négatif mais
qu’il y est autorisé. Il explique que cela tient de l’aïkido : le négatif
devient positif. A l’employé qui l’incite gentiment à être plus bref il
répond " Vous connaissez les chevaux vous — si si, je vous ai vu monter;
mais vous ne pouvez pas comprendre ". Puis il cite l’Ecclésiaste
(" chaque chose en son temps "), se tourne enfin vers moi (qui vient
récupérer le courrier des vacances) : " excusez-moi, vous êtes
pressé... ". Je ne suis pas pressé : j’attends, réponds-je un peu
sèchement.
Au Parc, cet homme qui dort sur un banc, un
billet de 50 francs plié en quatre par terre, sous le banc. J’interpelle
l’homme, je le réveille :
— Monsieur, votre argent est par terre...
Il ouvre un œil maussade et rétorque :
— Et alors?
— Alors? S’il y a du vent (et : il y a du vent) ça va s’envoler...
— Ah oui, merci.
Il se penche, ramasse le ou les billets. Nous nous éloignons. Je suis partagé :
j’aurais pu facilement subtiliser l’argent. Je dis " bon, j’ai
fait (commis?) une bonne action ". Puis je ratiocine : et si, avec cet argent,
l’homme se soûle davantage (il n’avait déjà pas l’air très frais),
traverse inconsidérément une rue, se fait renverser, meurt? Ce sera de ma faute. On
aurait dû laisser faire le vent, le destin...
On explique aux girafes qu’ici (au Parc)
elles sont peut-être mieux que dans la nature, livrées aux prédateurs et aux maladies
(souvenir d’un documentaire épouvantable où se traînait une girafe couverte de
croûtes et de plaies purulentes).
PL, mandé pour débarrasser un matelas, dans une
résidence pour personnes âgées, après un décès : la descente de lit et le matelas
grouillaient littéralement de gros vers blancs. Il a renoncé. Avons ensuite déliré sur
" le matelas maudit ", qui absorberait, les uns après les
autres, ceux qui se coucheraient dessus.
Rue Paul Bert, je fais remarquer à la jeune
boulangère qu’elle n’a pas le coup de main pour nouer le papier autour du pain.
Sa mère, qui m’entend depuis l’arrière-boutique, rit puis vient
m’expliquer : " Ma fille ne fait ça que depuis une semaine, et elle
s’en sort bien. Moi, ça fait 19 ans que je fais ça ". Ça : un petit
geste pour tordre les coins du papier.
De plus en plus de mal avec " la
littérature ". C’est, finalement, le journal de Kafka qui revient, au
moins pour la troisième fois, sur la table de chevet. Et j’y retrouve cette phrase
du 20 mai 1922, pour moi très troublante :
" La petite fille sale vêtue d’une petite camisole, elle court pieds nus,
les cheveux au vent ".
Amélie-les-Bains, ses gros hommes moustachus en
tee-shirts moulants, ses grosses femmes permanentées en robes à fleurs.
Désœuvrés.
En ville : bruit incongru d’une tondeuse à gazon.
Essayer de choisir s’il " vaut
mieux " vivre en ville ou à la campagne. Énumérer les avantages et les
inconvénients, comme s’il s’agissait de prendre une décision rationnelle.
C’est simplement osciller entre deux destins dont à la fin on ne connaîtra que
l’une des alternatives, sans jamais savoir ce qu’il serait advenu si...
Réflexion valable pour toute décision, grande ou petite, consciente ou non.
Des cris, dehors. Bien sûr, quand on va à la
fenêtre pour savoir de quoi il retourne, cela s’arrête.
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