| La chambre de Prune occupait l’ancien grenier. L’hiver, c’était un peu humide. Mais Jean-Michel avait installé un Velux. C’était ce qu’il avait de mieux dans la vie de Prune. Elle aimait regarder les constellations d’étoiles pour deviner son avenir. Parce que les horoscopes dans les magazines, tout compte fait, mieux vaut ne pas s’y fier. Comme chaque fois qu’elle était vraiment déprimée, Prune s’efforça de penser à autre chose. Elle ressortit son numéro de « Super ». Le sommaire s’annonçait des moins alléchants. Elle passa rapidement sur Mario serial kisser , « jeune lover de 18 ans qui nous fait fondre avec son tube torride Let me love you ». Yeah, right. En fait, elle avait acheté le journal UNIQUEMENT pour l’interview de Skye Sweetnam, « Britney Spears en version rock n’roll ». « Il y a pleins de beaux gosses dans les aéroports », affirmait la donzelle. Prune pensa qu’elle pourrait faire ça, ce week-end, aller à Orly et faire du repérage de beau mâle. Et puis, elle pensa que non, elle n’était pas du genre à aborder des garçons dans la rue. Ça n’avait pas beaucoup d’intérêt, de toute façon. Elle préférait encore être seule. Elle en était encore au début de l’interview quand elle entendit son portable sonner. Ça l’étonna un peu : à part Cécile, personne ne l’appelait jamais. « Numéro caché » : c’était probablement un débile de sa classe qui voulait faire une blague. Elle laissa passer trois sonneries puis elle se décida à décrocher : — Prune, c’est toi ? fit une voix aiguë de femelle. — Euuuh… C’est qui ? — C’est Eugénie Solivot… Prune eut un instant d’écœurement : pourquoi fallait-il qu’une grue pareille l’appelle ? Déjà, de la voir parader toute la journée, entourée de sa cour de fidèles… — Écoute, Prune, je voulais juste savoir si tu allais mieux… — Oui oui, ça va, grogna Prune en pinçant la peau près de sa nouvelle coupure, celle qu’elle s’était faite en rentrant du lycée. Quelques gouttes de sang perlèrent à la surface. Elle les étala sur l’avant-bras. — Je sais que je n’ai pas toujours été sympa avec toi… Je voulais juste… Enfin, voilà, si je peux t’aider ou quoi que ce soit, n’hésite pas, fit Eugénie d’un ton doucereux. | |