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wrath
 
 
   
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Tu sais, il faut que tu apprennes à t’aimer. Si tu n’aimes pas ton corps, personne ne t’aimera…
Prune regarda par la fenêtre. L’infirmerie occupait un bâtiment décrépi, style manoir gothique à l’écart du terrain de sport. Même pour un mois de janvier, la journée était glaciale. Le sol était recouvert de fins cristaux blancs. Prune reconnut des élèves de première ES qui couraient en petits groupes autour du stade. Pour l’endurance, les garçons et les filles étaient mélangés. Ils trottinaient serrés les uns contre les autres, en pulls et avec des gants. Le tableau était charmant : ces adolescents unis par l’amitié, courant ensemble, se dépassant dans l’effort. On aurait dit le Téléthon. Prune serra les dents. Elle aurait donné n’importe quoi pour avoir un FR-F6. Les shooter un par un, discrètement, depuis la fenêtre de l’infirmerie. Depuis qu’elle avait vu « Bowling for Columbine », elle ne pensait qu’à ça. Michael Moore avait déclenché une vocation. Le premier school shooting français ! Être l’Ange exterminateur, l’agent de l’Apocalypse ! Elle sentit l’infirmière lui secouer le bras.
— Il faut que tu fasses un effort ! Que tu arrêtes de te renfermer sur toi-même… Que tu t’ouvres aux autres, un peu !
La matrone s’arrêta, essoufflée. Prune remarqua que ses joues étaient devenues rouge vif. Un téléphone dans le couloir se mit à sonner.
— Tu ne bouges pas, d’accord ? Je reviens dans cinq minutes.

.Prune hocha la tête. Voilà ce qu’il fallait faire : recréer l’ambiance idyllique de l’après-Columbine. Ces adolescentes blondes, grandes, en parfaite santé, les produits les plus purs de l’Amérique, ces rescapées, en pleurs, se cajolant, s’embrassant. Les Françaises étaient un peu moins mignonnes, mais ça ferait l’affaire. Prune eut un frisson d’excitation. Ce qu’il aurait fallu, c’est que quelqu’un s’en charge pour elle, un sniper, un Serbe si possible. À la limite un Tchèque ferait l’affaire. Ça pullulait dans le lycée, depuis le jumelage « Ivry- Kutná Hora ». Ils cachaient probablement des Bazoukas à l’internat.

 
 

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