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wrath
 
 
Lundi après-midi

.L’aiguille rentrait et ressortait de la chair. Le mouvement régulier aurait pu durer des heures. Prune regardait ça avec un détachement satisfait. De temps en temps, l’infirmière levait les yeux et lui jetait un regard mauvais. C’était une grosse bonne femme, avec une peau luisante et rougeaude. Prune lui fit un sourire. La matrone enfonça plus profondément l’aiguille, comme si elle voulait déchirer la plaie, l’agrandir plutôt que la recoudre.
.Prune ne ressentait plus aucune douleur, elle avait fait ce qu’elle devait faire. Elle savait qu’un jour, elle serait capable de s’arracher la peau, de se brûler vive, de se couper un membre peut-être. S’ouvrir le ventre devant un public de militaires, d’autres l’avaient fait avant elle. Il fallait qu’elle trouve autre chose, l’apothéose du gore, « Stigmata », « Scream », « Souviens-toi l’été dernier », tout ça passé au mixer. Qu’il ne reste que des lambeaux de chair pendants, des confettis de peau et d’organe. Du sang partout. Laisser une image d’elle comme un corps désarticulé, le cerveau ouvert, le corps brûlé, un tas d’organes désarticulés et immondes…
.Le regard de l’infirmière se faisait plus vicieux, elle approchait de la fin, la plaie allait être recousue. Elle tira un grand coup pour resserrer le nœud. Les lèvres de Prune se figèrent dans un sourire crispé. La grosse creusa sa ride entre les sourcils.
— Ce n’est pas très malin, ce que tu as fait.
Prune ne répondit rien.
— Ça aurait pu s’infecter en plus. Quand on a la chance d’avoir un corps en pleine santé, on en prend soin ! Et visiblement, ce n’est pas la première fois que tu fais ça… Tu as pensé aux cicatrices que ça va laisser ?
Prune se taisait toujours. La voix se fit plus maternelle.

 
 

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