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wrath
 
 

— Tu as compris tes erreurs ? dit Mme Lheureux en se penchant sur son épaule.
— Oui, j’ai manqué de rigueur dans mon analyse… fit Prune avec un grand sourire.
— Tout à fait ! Tu t’es laissée entraîner par le texte. Le but d’un commentaire, c’est de dépasser le premier niveau de compréhension. Ce n’est pas parce que Phèdre paraît excessive qu’elle l’est. Il faut nettoyer la rhétorique comme disait Barthes…
Mme Lheureux marqua une pause, comme si elle réfléchissait à une citation. « Enfin bon… L’essentiel est que tu fasses mieux la prochaine fois », dit la pétasse en tapotant des doigts sur la table.

Tout en rangeant ses affaires, Prune médita sur la noirceur de l’époque. Les années 00 étaient nihilistes par essence, douloureuses et sans avenir. Quel contraste avec l’espoir des Trente Glorieuses ! L’invention du Prozac ! La bombe H comme solution ultime ! Quelle époque grandiose, qui avait inventé la plaie et le couteau, la dépression et l’anéantissement collectif ! Aujourd’hui, les anti-dépresseurs ne suffisaient plus à canaliser la douleur. Pire, les armes de destruction massive n’avaient jamais existé, tout le monde en était conscient. La bombe atomique n’était qu’une arnaque géniale, destinée à regonfler le moral de populations en fin de course. Vous en chiez, vous êtes malheureux MAIS la fin est proche ! Bientôt l’explosion finale, le jugement ultime ! Bien sûr, à défaut de bombes, on pouvait toujours compter sur les Arabes fanatiques pour anéantir New York City. Les Américains se rattachaient passionnément à cet espoir suicidaire : pitié encore une attaque ! Mais les Arabes, c’était comme la bombe H : une lueur passagère dans un ciel noir. Non, décidément, l’époque était glauque. Pas de voie de sortie grandiose par l’explosion finale.

 
 

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