| « Vous pouvez faire mieux, Prune, c’est très décevant », lui dit Mme Lheureux en lui rendant sa copie maculée de rouge. Prune jeta un coup d’œil à la feuille et se cacha la tête entre les mains. 6 ! Comment pouvait-on oser lui mettre 6 à une dissert ? Sur Phèdre en plus ! Sur la Scène IV qu’elle connaissait par cœur !
Mes crimes désormais ont comblé la mesure. Je respire à la fois l'inceste et l'imposture. Mes homicides mains, promptes à me venger, Dans le sang innocent brûlent de se plonger « Tu n’as pas bien compris le texte. N’oublie pas que Racine est un dramaturge classique. Phèdre exprime sa douleur d’une façon rationnelle, mesurée et cohérente », avait écrit la salope. Une bouffée de haine envahit Prune. Phèdre, rationnelle ! Vouloir éventrer son beau-fils, se baigner les mains de son sang, le jeter aux bêtes sauvages ! Dans le genre mesuré, ce n’était pas mal ! Qu’est-ce que la pauvre Phèdre aurait dû faire pour être vue comme folle ? Se crever les yeux et s’offrir au premier esclave venu ? S’arracher la tunique et se lacérer les seins devant Hippolyte, façon péplum années 1950 ? Bullshit, tout ça. Phèdre était la démesure personnifiée, la douleur brute et sans porte de sortie. Un frisson d’émotion traversa Prune. Elle comprenait Phèdre, elle l’aimait ! C’était le role model par excellence. Venger son martyr par un acte flamboyant et odieux, voilà ce qu’elle voulait faire. | |